Allons-nous vers une crise immobilière ?
Crise immobilière : vers un scénario à deux vitesses entre l’Europe et les États-Unis ?
L’immobilier est un secteur clé de l’économie, qui reflète la santé financière des ménages, la confiance des investisseurs et la dynamique du marché du travail. Or, depuis plusieurs années, le marché immobilier mondial connaît des turbulences, qui se sont accentuées avec la pandémie de Covid-19 et ses conséquences économiques et sociales. Face à cette situation, les pays développés affichent des réactions contrastées, qui pourraient conduire à une divergence entre l’Europe et les États-Unis.
Quels sont les facteurs qui expliquent ces différences de perspectives du marché de l’immobilier entre USA et Europe ? Quels sont les risques et les opportunités pour les acteurs du secteur ? Quelles sont les perspectives pour l’avenir ? Cet article propose une analyse approfondie et documentée sur ces questions.
Le terreau de la crise immobilière qui se profile : inflation, taux d’intérêt et pénurie de logements
La crise immobilière qui se profile à partir de l’horizon 2023 trouve ses origines dans plusieurs phénomènes conjoncturels et structurels, qui affectent le marché immobilier à des degrés divers selon les zones géographiques.
L’inflation : un phénomène mondial qui pèse sur le pouvoir d’achat
L’inflation est la hausse généralisée et durable du niveau des prix liée à la baisse de valeur de la monnaie. Elle est provoquée par différents facteurs, tels que l’augmentation des coûts de production, la création monétaire excessive ou la reprise de la consommation après une période de récession.
L’inflation a connu une forte accélération depuis 2021, dans le contexte de la sortie progressive de la crise sanitaire liée au Covid-19. Selon les données du Fonds monétaire international (FMI), le taux d’inflation annuel moyen est passé de 1,2 % en 2020 à 3,9 % en 2021 et 3,6 % en 2022 pour les pays avancés. Pour les États-Unis, le taux d’inflation a atteint 5,4 % en juin 2021, soit son plus haut niveau depuis août 2008. Pour la zone euro, le taux d’inflation a grimpé à 3 % en août 2021, soit son plus haut niveau depuis novembre 2011.
Les taux d’intérêt : un levier de régulation monétaire qui influe sur le coût du crédit
Les taux d’intérêt sont le prix auquel les agents économiques peuvent emprunter ou prêter de l’argent. Ils sont déterminés par l’action des banques centrales, qui fixent le taux directeur, c’est-à-dire le taux auquel elles prêtent aux banques commerciales. Les taux d’intérêt ont une influence directe sur le coût du crédit immobilier, qui représente une part importante du budget des ménages qui souhaitent accéder à la propriété.
Les taux d’intérêt avaient connu une baisse historique au cours des dernières années, dans le cadre des politiques monétaires accommodantes mises en place par les banques centrales pour soutenir l’activité économique. Selon les données de la Banque mondiale, le taux d’intérêt réel moyen (c’est-à-dire le taux nominal moins le taux d’inflation) était passé de 2,1 % en 2010 à -0,9 % en 2020 pour les pays à revenu élevé. Pour les États-Unis, le taux directeur de la Réserve fédérale (Fed) était resté proche de zéro depuis décembre 2008, avec une légère remontée entre 2015 et 2018, avant de redescendre à 0,25 % en mars 2020. Pour la zone euro, le taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) était resté inchangé à 0 % depuis mars 2016.
Jusqu’en 2020, ces taux d’intérêt bas avaient favorisé l’accès au crédit immobilier, en réduisant le coût des emprunts et en augmentant la capacité d’endettement des ménages. Ils ont également stimulé la demande de logements, en rendant l’investissement immobilier plus attractif que l’épargne financière. Ils ont donc contribué à la hausse des prix immobiliers.
La pénurie de logements : un problème structurel qui limite l’offre disponible
La pénurie de logements est le fait qu’il n’y ait pas assez de logements disponibles ou accessibles pour répondre à la demande des ménages. Elle résulte d’un déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, qui peut être causé par différents facteurs, tels que la croissance démographique, l’urbanisation, la spéculation foncière ou les contraintes réglementaires.
La pénurie de logements est un problème structurel qui touche de nombreux pays développés, notamment les États-Unis et certains pays européens. Selon une étude du McKinsey Global Institute, il manquait environ 60 millions de logements abordables dans le monde en 2020. Pour les États-Unis, le déficit de logements était estimé à 3,8 millions d’unités en 2020, soit le double du niveau observé en 2011. Pour la France, le déficit de logements était évalué à 900 000 unités en 2019, soit une augmentation de 50 % par rapport à 2006.
La pénurie de logements a des effets négatifs sur le bien-être des ménages, qui doivent faire face à des difficultés pour se loger, à des conditions de vie précaires ou à un allongement des trajets domicile-travail. Elle réduit également l’offre de logements disponibles sur le marché, ce qui renforce la pression sur les prix immobiliers.
Le déroulement possible de la crise immobilière : un scénario à deux vitesses entre l’Europe et les États-Unis
La crise immobilière qui se dessine n’est pas homogène. Elle présente différentes caractéristiques selon les politiques économiques et monétaires mises en œuvre et les spécificités du marché immobilier local. On peut distinguer deux grands scénarios : celui d’une bulle immobilière qui menace d’éclater aux États-Unis, et celui d’un retournement du marché qui se profile en Europe.
Vers un éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis
Une bulle immobilière est susceptible d’éclater lorsque les prix atteignent un niveau insoutenable, qui ne correspond plus à la solvabilité des acheteurs potentiels, ou lorsque les conditions économiques ou financières se dégradent, entraînant une baisse de la demande ou une hausse du coût du crédit.
Les États-Unis sont confrontés à un risque de bulle immobilière depuis 2023, qui rappelle le scénario de la crise des subprimes de 2007-2008. Selon les données de la Federal Housing Finance Agency (FHFA), l’indice des prix des logements aux États-Unis a augmenté de 17,4 % entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, soit la plus forte hausse annuelle depuis le début de la série en 1991. Selon les données de Zillow, le prix médian des logements vendus aux États-Unis a atteint 287 148 dollars en juin 2021, soit une augmentation de 13,6 % par rapport à juin 2020. Selon les données de CoreLogic, le ratio entre le prix des logements et le revenu des ménages aux États-Unis a atteint 4,4 en 2020, soit son plus haut niveau depuis 2005.
Plusieurs facteurs expliquent cette envolée des prix immobiliers aux États-Unis. D’une part, la demande de logements a été stimulée par les mesures de relance budgétaire et monétaire adoptées par les autorités américaines pour faire face à la crise du Covid-19. Ces mesures ont permis de soutenir le revenu et la confiance des ménages, ainsi que de maintenir des conditions de financement favorables. D’autre part, l’offre de logements a été limitée par la pénurie de terrains constructibles, de matériaux de construction et de main-d’œuvre qualifiée. Par ailleurs, la pandémie a entraîné un changement dans les préférences des ménages, qui ont privilégié les logements plus spacieux et plus éloignés des centres urbains, ce qui a accentué la pression sur les segments les plus prisés du marché.
Le risque d’éclatement de la bulle immobilière aux États-Unis est lié à la possibilité d’un resserrement des conditions monétaires par la Fed, qui est initié depuis 2022 pour contrer la montée de l’inflation. Une hausse des taux d’intérêt a pour effet d’augmenter le coût du crédit immobilier, ce qui freine l’accessibilité des ménages à la propriété. Les crédits aux USA étant majoritairement à taux variable, cela a pour effet d’augmenter le taux de défaut des emprunteurs. En effet, ces derniers se retrouvent en situation de dette insoutenable ou de valeur négative du capital (c’est-à-dire lorsque le montant du prêt est supérieur à la valeur du bien). Cela provoque mécaniquement des défauts de paiement et une vague de saisies et de ventes forcées, entraînant en premier lieu une baisse des prix immobiliers avec un risque important de contagion, au secteur financier.
Le retournement du marché en Europe : un ralentissement progressif des prix
Un retournement du marché immobilier est une situation dans laquelle les prix immobiliers cessent d’augmenter ou commencent à baisser après une période de hausse soutenue. Il résulte d’un ajustement entre l’offre et la demande de logements, qui peut être provoqué par différents facteurs, tels que la dégradation de la conjoncture économique, le durcissement des conditions de crédit ou le changement des anticipations des agents. Il se traduit généralement par une baisse modérée et graduelle des prix immobiliers, qui peut s’étaler sur plusieurs années.
L’Europe est confrontée à un risque de retournement du marché immobilier à partir de 2023, qui mettrait fin à une décennie de hausse continue des prix. Selon les données d’Eurostat, l’indice des prix des logements dans l’Union européenne a augmenté de 5,6 % entre le premier trimestre 2020 et le premier trimestre 2021, soit sa plus forte hausse annuelle depuis le quatrième trimestre 2006.
Selon les données du portail immobilier Idealista, le prix moyen du mètre carré dans l’Union européenne a atteint 2 193 euros en juin 2021, soit une augmentation de 4,3 % par rapport à juin 2020. Selon les données de l’OCDE, le ratio entre le prix des logements et le revenu des ménages dans l’Union européenne a atteint 107,4 en 2020, soit son plus haut niveau depuis 2008.
Plusieurs facteurs expliquaient cette hausse des prix immobiliers en Europe. D’une part, la demande de logements a été soutenue par les mesures de relance budgétaire et monétaire adoptées par les autorités européennes pour faire face notamment, à la crise du Covid-19. Ces mesures ont permis de reporter l’impact de la récession sur le revenu et l’emploi des ménages, ainsi en maintenant des taux d’intérêt historiquement bas. D’autre part, l’offre de logements a été contrainte par la faiblesse de la construction neuve, qui n’a pas suivi le rythme de la croissance démographique et de la demande. Par ailleurs, la pandémie a également entraîné un changement dans les préférences des ménages, qui ont recherché des logements plus grands et plus verts, ce qui a renforcé la demande pour les zones périurbaines et rurales.
Le risque de retournement du marché immobilier en Europe est lié à la possibilité d’un ralentissement de la croissance économique, qui pourrait encore s’accentuer en cas de résurgence d’une nouvelle pandémie, d’une montée des tensions géopolitiques ou d’une crise politique au sein de l’Union européenne. La faiblesse de la conjoncture économique a pour effet de réduire le revenu et la confiance des ménages. Il a également pour conséquence d’augmenter le taux (réel) de chômage et le taux d’endettement des ménages, ce qui réduit leur capacité à rembourser leurs prêts immobiliers, sinon leur capacité d’emprunter. Cela entraîne une stabilisation progressive des prix immobiliers avant d’amorcer un retournement de tendance vers une baisse des prix du secteur avec un risque de détérioration du bilan des banques (déjà en grande difficulté).
Les perspectives pour l’avenir : quels scénarios possibles pour le marché immobilier ?
Le marché immobilier mondial est confronté à une situation incertaine et complexe à compter de 2023, qui dépendra largement de l’évolution de la situation sanitaire, économique, géopolitique et financière. On peut envisager plusieurs scénarios possibles pour le marché immobilier, selon le degré de gravité de la crise immobilière et selon les mesures prises par les autorités publiques pour y faire face.
Le scénario optimiste : une correction modérée et temporaire des prix
Le scénario optimiste suppose que les risques sanitaires, géopolitiques et monétaires s’évanouissent (mais par quel miracle ?). Dans ce cas, la crise immobilière serait limitée à une correction modérée et temporaire des prix immobiliers, qui permettrait de rétablir un équilibre entre l’offre et la demande de logements. Les ménages conserveraient leur capacité à accéder à la propriété ou à investir dans l’immobilier, tandis que les acteurs du secteur immobilier bénéficieraient d’un environnement porteur pour leurs activités. (« You may say I’m a dreamer, but I’m not the only one. » John Lenon, Imagine)
Le scénario pessimiste : un effondrement durable et généralisé des prix
Le scénario pessimiste suppose que la crise sanitaire s’aggrave en raison de l’apparition d’une nouvelle pandémie, d’une crise énergétique et économique sur fond de crise géopolitique, d’une crise financière, monétaire et politique. Dans ce cas, la crise immobilière serait amplifiée par une déstabilisation durable de la confiance avec certainement des répercussions sur le secteur financier. Les ménages seraient confrontés à des difficultés pour se loger et pour rembourser leurs prêts immobiliers, tandis que les acteurs du secteur immobilier subiraient une chute de leur chiffre d’affaires et de leur rentabilité (entre autres conséquences…).
Conclusion : comment anticiper et gérer la crise immobilière ?
La crise immobilière qui se profile à partir de 2023 est un phénomène majeur de l’économie mondiale. Pour anticiper et gérer cette incertitude du marché de l’immobilier, il convient de suivre attentivement les principaux indicateurs, tels que les prix, les volumes et les taux d’intérêt. Il convient également de prendre en compte les facteurs qui influencent le marché immobilier, tels que la situation sanitaire, la conjoncture économique, financière et économique, la politique monétaire, les tensions géopolitiques et la réglementation. Enfin, il convient d’adapter sa stratégie en fonction du scénario envisagé, en cherchant à profiter des opportunités ou à limiter les risques liés à la crise immobilière.
Quels sont les facteurs courants qui influencent en général les prix de l’immobilier ?
1. La conjoncture économique
Un ralentissement économique ou une récession peut entraîner une baisse de la demande de logements, ce qui peut entraîner une baisse des prix des maisons.
2. L’endettement des ménages
Des niveaux élevés d’endettement des consommateurs et des gouvernements pourraient entraîner une instabilité financière, compliquer l’obtention de crédit pour les particuliers et les institutions et ralentir le marché immobilier.
3. Le taux d’intérêt directeur de la banque centrale.
Des taux d’intérêt plus élevés pourraient rendre plus coûteux pour les particuliers et les institutions d’emprunter de l’argent, ce qui ralentirait le marché immobilier.
4. Les évolutions démographiques
Les changements démographiques, comme le vieillissement de la population, peuvent entraîner des changements dans la demande de logements et avoir un impact sur le marché immobilier.
5. La réglementation
Des normes environnementales contraignantes peuvent perturber le marché dans un contexte dans lequel les coûts des matériaux augmentent et la main d’œuvre qualifiée ne pourrait pas être suffisante.
6. La fiscalité
Face à une augmentation de la dette de l’État, la pression fiscale ne devrait pas se relâcher.
Quels ont été les tendances du marché de l’immobilier pendant la crise covid en 2021-2022 ?
De la ville aux campagnes
La pandémie a poussé de nombreux acheteurs à rechercher des propriétés dans les zones rurales, loin des zones urbaines.
Une stagnation des prix qui s’installe
Les prix de l’immobilier dans les grandes villes stagnent courant 2022, malgré la hausse de l’inflation. Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Les premiers signes de restriction à l’accès au crédit freinent les prétentions des acheteurs.
De nouvelles réglementations
La loi climat prévoit de sanctionner les propriétaires de maisons énergivores. La loi s’applique à partir de 2025, mais encourage déjà les propriétaires qui n’ont pas les moyens de rénover leur maison, à la vendre, tout en dissuadant les acheteurs de ne pas tenir compte de cet élément.
Le risque inflationniste
Il a fallu un certain temps aux banques centrales pour faire le deuil de l’idée que l’inflation apparue à l’issue de la crise de la Covid-19 n’était pas seulement temporaire, mais devait s’enraciner dans quelque chose de plus structurel et tendanciel.
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